Au début c’était EthLend

Dans cet article, nous allons parcourir la courte mais riche histoire de la technologie la plus prometteuse de l’année 2020 : la DeFi (Decentralized Finance). Sa naissance se fait remarquer à travers le projet EthLend.

Nous savons que le Bitcoin est arrivé, inattendu fin 2008. Il a apporté un grand nombre d’innovations en dépit de son système de scripts très limité. En effet, le Bitcoin est capable de faire pratiquement une seule chose : transférer de la valeur digitale.

Ethereum a vu le jour en 2015, précisément pour pallier à cette limitation. Ethereum fournit un langage de programmation dit Turing-complet, c’est à dire capable de réaliser tout type de programme informatique. Cela ne veut pas dire qu’on puisse tout faire dans Ethereum. Plusieurs limitations techniques au niveau architecture et réseau font qu’on ne peut pas (encore) considérer Ethereum comme l’ordinateur mondial. Ces limitations ne se situent toutefois pas dans son langage de programmation.

La richesse accrue d’Ethereum lui donne un champ applicatif beaucoup plus large. Dans Ethereum, on peut pratiquement tout construire, des jeux de hasard, aux contrats d’assurance, en passant par les levées de fonds, les identités digitales ou encore les marchés prédictifs.

Parmi le large éventail d’applications, celles liées à la finance jouent évidemment un rôle primordial : les blockchains sont nées en tant qu’argent et gardent un lient fort avec la finance.

Une des premières idées d’implémentation en finance qui dépasse le simple stockage/transfert d’argent a été le use-case « Prêt de cryptomonnaies ». Le projet EthLend (aujourd’hui devenu Aave) en a été le précurseur.

EthLend, les pionniers du prêt blockchain

EthLend était un projet visant à créer la première plateforme de microcrédit distribuée, basée sur la blockchain à l’aide de contrats intelligents, tokens ERC20 et domaines .ENS. Il constituait une nouveauté qui pouvait conduire à une nouvelle manière d’accès et de gestion du crédit.

ETHLend était en deux mots un marché financier 100% décentralisé construit au-dessus d’Ethereum. Il permettait aux prêteurs et aux emprunteurs du monde entier de s’accorder sur des prêts à effectuer en mode peer-to-peer, de manière sécurisée et transparente. Le tout était réglé par les contrats intelligents sous-jacents. En plaçant une demande de prêt sur ETHLend, les prêteurs du monde entier pouvaient n’importe où et (en principe) à n’importe quel moment, financer leurs activités en demandant un prêt. Cela déclenchait une saine rivalité : les prêteurs rivalisaient pour fournir le taux d’intérêt le plus compétitif. Le résultat fût la mise en place d’un marché libre, en principe très efficace mais tributaire du nombre d’acteurs l’utilisant. En effet, en peer-to-peer, la liquidité au sein du réseau est souvent insuffisante tant qu’un seuil de participants n’est pas dépassé.

Le mécanisme d’ETHLend reproduisait presque en tout la manière dont les courtiers travaillent de manière classique, mais avec des opérations pratiquement instantanées, automatiques, toujours disponibles (24/7), sans présence/besoin d’intermédiaire.

C’est aussi la manière dont les banques prêtent ajourd’hui. Les banques utilisent le concept dit de réserve fractionnaire : piocher dans les dépôts de certains clients excedents afin de prêter le même argent à d’autres déficitaires (mais avec un intermédiaire nécessaire qui agit en tiers de confiance).

Si le Bitcoin et les cryptomonnaies plus en général peuvent potentiellement enlever aux banques le monopole de la création, du stockage et du transfert d’argent, quid du marché de prêts ? Nativement ni le Bitcoin, ni Ethereum ne peuvent l’intégrer. Toutefois la flexibilité de langage, permet à Ethereum de construire on-top des services de type prêt-bancaire. Le monopole des banques commence à chanceler.

Comment ça marche ? Supposons qu’un utilisateur souhaite un prêt de disons 100 Ethers pour la durée d’un an. Afin de l’obtenir, il faut que les deux acteurs trouvent un accord sur deux points opposés :

  • le taux d’intérêt appliqué : disons 2%. L’utilisateur devra alors rembourser 102 eth à l’échéance.
  • la garantie que l’utilisateur immobilise pendant la durée du prêt. Elle doit être jugée suffisante pour couvrir le risque. ETHLend exige des emprunteurs qu’ils bloquent des tokens ERC20 ou des domaines Ethereum Name Service (ENS) comme garantie des prêts demandés.

Le prêteur est juge de la qualité de la garantie et peut par conséquent refuser certains prêts. Le demandeur du prêt est juge de la pertinence du taux d’intérêt et est libre de choisir les prêts les plus avantageux.

Les deux parties trouvent un accord et agissent dans le smart contract. Cette transaction active le prêt de facto : elle séquestre la garantie, met à disposition du demandeur les ETH convenus et lance un compte à rebours pour le remboursement. Si à l’échéance, le demandeur n’a pas remboursé, la garantie sera transférée au prêteur en guise de dédommagement. Dans le cas contraire, le prêt est remboursé pour la somme initiale plus les intérêts convenus.

Processus de prêt ETHLend

Avec ce service, ETHLend s’efforçait de démocratiser le processus lourd du prêt classique en supprimant le contrôle sur ce marché des grandes institutions financières. ETHLend permet à un emprunteur et à un prêteur de décider des détails essentiels du prêt entre eux, sans besoin d’intermédiaire.  Essentiellement, cela signifie qu’un prêteur et un acheteur n’importe où dans le monde peuvent créer un contrat de prêt à leurs uniques conditions.

EthLend avait ainsi créé déjà en 2017 – la préhistoire dans le monde blockchain – le tout premier unstoppable lending. Bien entendu la première version était assez difficile à utiliser (d’un point de vue technique) et donc plutôt réservée aux geeks. De plus, il n’y avait à l’époque pas de stablecoins utilisables dans des smart contracts, pas d’applications, ni de notion de DeFi (on parle de DeFi depuis janvier 2019). Mais surtout, il n’y avait pas encore la liquidité nécessaire…

Gros souci : la liquidité

Les prêts dans EthLend marchaient en mode peer-to-peer avec des transactions ponctuelles. Lorsqu’un demandeur faisait une demande de prêt, il fallait trouver dans la même période et sous les mêmes conditions, un prêteur en mesure de fournir et effectuer le prêt en question. C’est pourquoi, la question du seuil minimal de participants au réseau était fondamentale. Une liquidité suffisante, capable de couvrir tout type de demande, ne pouvait exister que si un grand nombre d’utilisateurs étaient actifs en même temps, chose impossible en 2017.

Puis Compound arriva (octobre 2018) pour changer le modèle de prêt sur blockchain, ce qui a depuis fait plein d’émules. Le modèle de Compound rend l’expérience utilisateur infiniment plus rapide : au lieu d’attendre (et souvent espérer) que le bon prêteur arrive à accepter le prêt, Compound met à disposition un liquidity-pool qui assure à tout instant l’acceptation de tout type de prêt demandé.

Paradoxalement, suite à ce changement majeur, EthLend, pionnier de la finance blockchain, se trouva en dehors du mouvement DeFi naissant. Effectivement les borrowers et lenders du monde crypto migrèrent tous vers Compound. EthLend marchait d’un point de vue fonctionnel, comme un carnet d’ordre de bourse dans un exchange avec très peu de participants. Sa décentralisation ne changeait rien à la donne. La limitation était trop importante et tous les acteurs partirent vers la « concurrence ». Pour ne pas perdre le train, EthLend finit donc par adopter lui aussi le modèle liquidity-pool. Ce fut au moment du changement du nom du projet en Aave. Contrairement à 2017, les technologies actuelles auraient pu permettre d’améliorer le vieux EthLend sans le liquidity-pool, toutefois cette feature restait imbattable et s’imposa de facto.

Problèmes résolus par les prêts décentralisés


La décentralisation peut résoudre bon nombre des problèmes innés, associés au système d’emprunt centralisé actuel. Voici les trois principales raisons pour lesquelles la décentralisation des prêts est très intéressante:

  1. Confiance : à condition que les smart contract soient (100% ou du moins rasonnablement) bug-free, la décentralisation supprime complètement la nécessité de faire confiance à votre fournisseur de prêt. Les contrats intelligents immuables, honnêtes et 100% objectifs verrouillent et contrôlent les garanties de prêt.
  2. Transparence :  le réseau Ethereum fournit un registre transparent ouvert 24/7 à l’inspection. Chaque transaction est enregistrée et peut être librement vérifiée par quiconque. La comptabilité nativement intégrée et transparente dans Ethereum supprime la confiance aveugle requise pour des transactions entre institutions bancaires. Le code source des smart contracts qu’on utilise sont aussi publiques sur la blockchain.
  3. Accès :  En utilisant le réseau Ethereum, les prêteurs et les emprunteurs ETHLend peuvent organiser des transactions de prêt de n’importe où dans le monde. Les transactions de prêt ont lieu de l’adresse Ethereum à l’adresse Ethereum permettant un accès illimité dans le monde entier. Sans contrainte, les emprunteurs et les prêteurs peuvent accéder à un pool beaucoup plus large de liquidités de prêt. De plus personne ne peut interdire ou même reguler l’accès au service qui reste ouvert et imparable.

Puisque ces prêts sont établis entre deux personnes seulement, ils échappent à des conditions générales communes qui s’appliquent en masse aux prêts bancaires. Il est ainsi possible de créer des conditions de prêt très loin du standard. Celles-ci appliquées de manière très simple et immédiate. Par exemple, un riche européen voulant prêter des ETH à des fermier très pauvres vivants dans des zones rurales défavorisées (tiers-monde) pourrait décider de ne demander aucune garantie en échange.

Thème : Overlay par Kaira. © Copyright 2020. Tous droits réservés.
Paris, France